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Hakim Arabdiou
21 octobre 2008

Film : Dernier maquis

Film : Dernier maquis

Par Hakim Arabdiou

Le film, Dernier Maquis, de Rabah Ameur-Zaïmèche, qui sera projeté en salle, en France, à partir du 22 octobre prochain, est une dénonciation de l’instrumentalisation du communautarisme religieux et ethnique dans le monde du travail pour empêcher la solidarité de classes entre travailleurs. C’est ainsi qu’un patron, de confession musulmane (rôle joué par le réalisateur) d’une usine de réparation de palettes en bois et de transport en camions, situées dans une zone industrielle de la banlieue parisienne, ouvre de son propre chef une mosquée (en fait une mossalla, une salle de prière) à ses ouvriers au sein même de l’usine et désigne un imam (le guide de la prière) parmi eux.

Si la mise à leur disposition de ce lieu de culte leur a plu, une partie d’entre eux ne conteste pas moins le principe de désignation unilatérale d’un imam, sans la choura, sans les avoir consultés, comme le stipule l’islam. Une autre partie du personnel prend cependant la défense de l’imam ; ce qui a provoqué la division du collectif de travail. Les contestataires décident alors de faire la prière dans un autre lieu de l’usine.

Le réalisateur explique cette scène en ces termes : « … (elle) est importante parce que cette question-là, celle de la désignation de l’imam, est historiquement capitale : après la disparition du Prophète, c’est devenu un problème central, un motif de déchirement. Ce qui m’intéresse, c’est de montrer cette controverse aujourd’hui en France, dans une zone industrielle de la région parisienne, avec des ouvriers et un patron au caractère prosélyte ; et ce que cela déchaîne dans leurs rapports et leurs aspirations. »[1]

Ameur-Zaïmèche fait allusion à l’affrontement, qui a suivi à la mort de Mohammed, le prophète des musulmans, pour la prise de pouvoir de la oumma (communauté) musulmane. Cet affrontement, qui constitue la genèse du chi’isme, a eu lieu entre trois clans : les ançars (partisans) ou médinois (habitants de Médine), les mouhadjiroune (les émigrés de la Mecque vers Médine, et partisans historiques du prophète Mohammed) et ehl el Beit (la famille dre celui-ci).

Il reproche aussi au patron d’accomplir des « hassanates », des bonnes actions devant Dieu sur leurs dos, alors qu’il ne leur « paie pas ce qu’il leur doit », c’est-à-dire la totalité des heures supplémentaires qu’ils ont effectuées. Bref ! il lui reproche son hypocrisie.

Mais pour le patron, l’accomplissement de ces bonnes actions ne sont qu’un moyen pour endormir la prise conscience par les travailleurs de leurs droits et surtout de la force que constitue leur unité, en se présentant à leurs yeux, comme un bon musulman, et à ce titre incapable de les spolier.

Il essaie également d’atomiser le collectif du travail en négociant séparément avec certains ouvriers et pas d’autres. Aussi, emmène-t-il le chef du « village » des ouvriers d’Afrique subsaharienne, dans un coin de l’usine, bien à l’abri des regards, et tente de lui faire accepter, au nom des autres, l’octroi d’une prime forfaitaire au lieu et place d’un salaire décent ; ce que le patron reconnaît de lui-même ne pas pouvoir leur attribuer, au risque de réduire la plus-value qu’il leur extorque.

Cette division du collectif apparaît dans toute son ampleur, quand les ouvriers- mécaniciens, se sont mis en grève pour empêcher leur licenciement économique par le patron, parce qu’ils ne marchent dans ses combines ; et que leurs camarades de l’usine des palettes refusent violemment de se solidariser avec eux.

Rabah Ameur-Zaïmeche, français d’origine algérienne, arrive en France à l’âge de deux ans. Il grandit dans la cité des Bosquets à Montfermeil, en banlieue parisienne. Il fit des études en sciences humaines et fonde sa propre société de produit cinématographique. Il a produit auparavant deux films de fiction : Wesh Wesh Qu’est-ce qui se passe ? en 2002 et Bled Number One, en 2006.

Notes

[1] Interview donnée par le réalisateur à la 4me Quinzaine des réalisateurs de Festival de Cannes, 2008

Hakim Arabdiou

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