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Hakim Arabdiou

1 novembre 2011

Livre : Le Piège de la dette publique : comment s’en sortir

Livre : Le Piège de la dette publique : comment s’en sortir

 

Par un collectif d’économistes français

 

Un collectif d’économistes français, Jacques Cossart, Evelyne Dourille-Feer, Jean-Marie Harribey, Michel Husson, Esther Jeffers, Pierre Khalfa, Antoine Math et Dominique Plihon, Eric Toussaint, vient d’éditer un ouvrage intitulé, le Piège de la dette publique : comment s’en sortir, aux éditions les Liens qui libèrent, Paris, 2011.

 

Pour ces auteurs, la dette extérieure publique des pays du Nord est incommensurablement plus élevée que celle des pays du Sud. C’est ainsi que la dette de la France équivaut à elle seule à 80% de la dette de l’ensemble de ces derniers pays, y compris l’Inde et la Chine.

 

De plus, les pays en développement sont temporairement en meilleure situation financière de rembourser leurs dettes respectives, grâce à l’accroissement de leurs recettes en devises, issues des prix élevés de leurs matières premières, et aussi à la possibilité de rembourser leur dette en se refinançant à bas coût, auprès des banques centrales du pays du Nord, qui pratiquent en cette période de crise, pour leurs propres banques, des taux d’intérêt, presque nuls.

 

C’est pourquoi, ils devraient profiter de ce rapport de forces qui leur est relativement favorables pour exiger de leurs créanciers du Nord, du FMI, de la Banque mondiale... qu’ils annulent une part significative ou la totalité de leurs dettes. Les raisons ne manquent pas : les conditions illégitimes dans lesquelles ces dettes ont été émises ou souscrites ; les graves dommages pour leurs économies et les grandes souffrances pour leurs peuples que leur ont infligé les sinistres « ajustements structurels » ; ou bien la « dette écologique » des entreprises et des États du Nord envers les pays du Sud : pillage de leurs ressources naturelles, pollution, etc. Ce sont l’une ou l’autre de ces raisons que l’équateur, le Paraguay et l’Argentine ont excipé pour faire annuler une grande partie de leurs dettes.

 

La dette souveraine européenne est une dette illégitime 

La source principale des déficits publics dans les principaux pays capitalistes est l’imposition par les gouvernements de droite ou socio-démocrates aux peuples de ces pays, des mesures néolibérales : la baisse considérable des cotisations sociales pour les patrons, et de l’impôt sur les hauts revenus et les profits, ainsi qu’une répartition de la valeur ajoutée en faveur du capital et au détriment du travail, auxquelles s’ajoutent l’évasion fiscale et la fraude fiscale. À titre d’illustration, en Grèce, l’impôt sur les bénéfices des sociétés est passé en 10 ans de 40% à 24%, et en Irlande de 50% à 12,5%, en 20 ans.

 

Malgré tout, ce déficit était demeuré faible : moins de 1% en moyenne dans la zone euro, avec toutefois des disparités. À l’exception de la Grèce, les 16 autres pays de l’Euroland connaissaient soit un excédent budgétaire, soit un léger déficit budgétaire et une légère dette.

 

Mais l’éclatement des crises économique et financière, de 2007-2008, ont plongé tous les États européens dans la crise de la dette. Leur déficit budgétaire a augmenté de 6 points du PIB en moyenne, avec là aussi des disparités, parfois très importantes.

 

Car pour sauver la plupart des banques pyromanes de la faillite, les États européens et les autres pays capitalistes, ont également entrepris une gigantesque recapitalisation de ces établissements.

 

Pour résoudre cette crise, les gouvernements européens, la Commission européenne et la Banque centrale européenne, ainsi que le Fonds monétaire international font payer les peuples en leur imposant l’austérité, pour gaver encore plus les auteurs et les profiteurs de cette crise, en l’occurrence les marchés financiers et les sociétés transnationales.

 

Mais cette politique pro-cyclique, injuste socialement et inefficace économiquement, fait entrer les pays endettés dans la récession, laquelle réduit leurs recettes, et par conséquent leur aptitude à rembourser. « Inquiets » d’éventuels défauts de paiement, les marchés financiers ne manqueront pas ensuite d’augmenter la prime de risque dans les taux d’intérêt pour leurs créances. Ce taux d’intérêt alourdira davantage le service de la dette pour les pays débiteurs, qui auront encore plus de mal à rembourser, ce qui accroîtra de nouveau l’« inquiétude » des marchés financiers, etc. C’est ce qu’on appelle la spirale infernale de la dette.

 

Les dettes souveraines états-uniennes et japonaises

La dette publique des États-Unis d’Amérique s’évalue quant à elle à plus de 95 % de son PIB, soit plus 14 000 milliards de dollars, auxquels s’ajoutent 41 000 milliards de dollars de dette privée. Toutefois, cette dette colossale est encore « soutenable » pour l’économie de ce pays, du fait avant tout de sa puissance économique, et aux privilèges qu’il tire du dollar, en tant que monnaie de paiement et de réserve internationales, ainsi qu’aux bénéfices de ses investissements directs à l’étranger. Mais jusqu’à quand ? Car ce pays connait, depuis cinq décennies, une baisse tendancielle importante de son PIB, ainsi que l’augmentation des déficits de sa balance commercial et de sa balance des transactions courantes, ainsi que le recul de la place du dollar, comme instrument de réserve de change...

 

Pour ce qui est de la dette japonaise, elle s’élève en 2011 à plus de 200 % par rapport à son PIB, dont plus de 95 % est détenue par des institutions publiques et des épargnants japonais, avec un taux d’intérêt d’environ, 1 %, seulement. Néanmoins, ces deux atouts peuvent s’amenuiser à moyen terme, à cause du « désépargne », lié au vieillissement de sa population. D’ores et déjà, le taux d’épargne des ménages a chuté durant ce dernier quart de siècle. Il en est de même de l’épargne nationale brute, qui a connu lui aussi une baisse sensible durant la même période.

 

Pour une autre Union européenne

La dette souveraine européenne doit être restructurée, en vue d’en annuler la partie qui s’avère illégitime, ou de rééchelonner une partie d’entre elle. Il est également nécessaire d’ajuster les taux d’intérêt aux capacités de remboursement des États et de faire obligation à la Banque centrale européenne de financer directement les dettes des pays de la zone euro et à de faibles taux d’intérêt.

 

Pour se libérer du dictat des marchés financiers, il faut taxer les transactions financières, règlementer les fonds d’investissements spéculatifs (hedge funds) et les agences de notations, incompétentes et corrompues, interdire les ventes à découvert et les marchés de gré à gré sur des produits dérivés, interdire les paradis fiscaux, nationaliser les banques, créer un pôle financier public, etc.

 

Il s’agit également à termes de réformer profondément les traités et l’ensemble de la législation régissant l’organisation, le fonctionnement et la finalité de l’Union européenne. L’objectif est d’impulser des politiques économiques, monétaires, fiscales et sociales  nationales et communautaires au service des peuples européens.

 

 

 

                                        Hakim Arabdiou

 

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1 novembre 2011

20 d’aveuglement, l’Europe au bord du gouffre

 

 

                                  20 d’aveuglement, l’Europe au bord du gouffre

                                   Des Économistes atterrés

 

Ouvrage coordonnés par Benjamin Coriat, Thomas Courot, Henry Sterdinyak

 

Par Hakim Arabdiou

 

 

Une année, après avoir publié Le Manifeste des économistes atterrés, certains des auteurs de ce dernier « récidivent », en publiant un autre ouvrage, intitulé, 20 ans d’aveuglement, l’Europe au bord du gouffre, aux éditions, les Liens qui libèrent, en 2011, Paris.

 

Ce livre évoque les crises de la dette de quelques pays de la zone euro et de l’euro lui-même.  Celles-ci ont succédé aux crises économiques et financière internationales, de 2007-2008. Pourtant, ces pays et cette zone sont censés être mieux protégés, grâce à leur monnaie unique. Cette dernière leur assure un taux de change fixe entre eux et leur évite l’instabilité monétaire, tandis que les États-Unis d’Amérique et de la Grande-Bretagne, où les crises de 2007-2008 ont le plus sévi, et qui connaissent un déficit égalant presque le double de celui de la zone euro ne sont pas confrontés à une crise de la dette.

 

Les auteurs expliquent ce paradoxe par le talon d’Achille de la zone euro, face aux marchés financiers. En effet, contrairement aux deux pays anglo-saxons, les traités de Maastricht et de Lisbonne de l’Union européenne, ainsi que les statuts de la Banque centrale européenne (BCE), interdisent la solidarité financière entre pays de la zone euro (no bail-out) et le financement de leurs dettes directement par cette banque. Ainsi, les dirigeants politiques, économiques et financiers de l’Union européenne ont volontairement livré, pieds et poings liés, l’Union européenne, en particulier la zone euro, aux intérêts des capitalistes financiers.

 

Comme à leur habitude, les agences de notation, forces supplétives des marchés financiers, ont joué leur rôle néfaste dans l’aggravation des dettes souveraines par la dégradation souvent injustifiée des notes des pays concernés.

 

Les investisseurs se voient par conséquent contraints soit de vendre les obligations d’États en leur possession, soit de se couvrir contre le risque d’un éventuel défaut de paiement (non-remboursement), en souscrivant une protection (assurance), dite, CDS, en anglais. Les détenteurs de ces CDS (sans forcément détenir de la dette souveraine) ont tout intérêt à faire courir de folles rumeurs sur le risque de défaut de paiement de tel ou tel pays, en vue de faire augmenter les taux d’intérêt de leurs CDS.

 

L’échec annoncé du Pacte pour l’euro, pour la compétitivité et la convergence

Alors même que la quasi-totalité des pays de la zone euro sont en récession, les néolibéraux et les néolibéraux de la social-démocratie, persistent à accorder la priorité à la baisse drastique et rapide des déficits publics en vue, croient-ils à tort, résoudre les déficits et les dettes publiques. Ce ne sont pourtant pas les politiques budgétaires, qui en sont responsables. Ce qui a réduit significativement les recettes publiques et forcé les pays à s’endetter pour financer leurs dépenses publiques, ce sont les cadeaux fiscaux que ces néolibéraux offrent depuis trente ans, aux bénéficiaires des profits, de hauts revenus et aux détenteurs de patrimoine, ainsi que les graves conséquences des crises, de 2007-2008, et les aides colossales que les mêmes ont octroyées à cette occasion aux banques, afin de leur éviter la faillite. Les autorités n’ont alors d’autres choix que de s’endetter pour combler leurs déficits. À titre d’exemple, ces cadeaux fiscaux coûtent 100 milliards d’euros par an, à la France. C’est pour cette raison que cette politique, injuste et inefficace, et au service des milliardaires est vouée à l’échec, car elle réduit aussi bien la demande, et donc les débouchés du marché final, que les recettes des États, et donc leurs capacités à rembourser leurs dettes.  

 

Risque d’éclatement de la zone euro

Devant cette situation gravissime, les pays les plus fragiles de l’Eurozone, pourront estimer, qu’ils n’ont désormais rien à gagner à y demeurer, et reprendre leurs monnaies nationales. Ils obtiendront d’emblée une dépréciation de 25% de leurs monnaies respectives. Ce qui accroîtra leur compétitivité et dépréciera d’autant leurs dettes. La dépréciation cumulée de leurs dettes entraînera des pertes considérables pour les banques et compagnies d’assurances européennes qui représentent leurs principaux créanciers. Ces pertes provoqueront à leur tour une nouvelle crise financière en Europe et aiguiseront la voracité des banques et des fonds spéculatifs contre les autres membres endettés de la zone euro, l’Italie, la Belgique et la France.

 

Il faut restructurer les dettes souveraines européennes

À court terme, les pays les plus endettés devraient faire défaut de leurs dettes, en faisant entre autres annuler la partie « odieuse » d‘entre elles. De même que la BCE doit financer leurs dettes directement et à faibles taux d’intérêt. Comme elle doit financer, en partie, les déficits et les dépenses publiques de l’ensemble des États de l’Union européenne. Ces derniers pays doivent pour les mêmes raisons accroître également leurs recettes fiscales, en rétablissant les taux d’imposition élevés sur les profits, les hauts revenus, le patrimoine et les transactions financières.

 

À moyen terme, il faut briser le pouvoir de nuisance des marchés financiers par une taxation dissuasive des transactions financières à finalité spéculative, l’interdiction des paradis fiscaux et de la vente des titres à découvert, la fermeture des marchés de gré à gré des produits dérivés, la règlementation strict des hedge funds et des agences de notations, etc.

 

Il est crucial également de reconstruire l’Union européenne sur de nouvelles bases, celles de la solidarité entre États-membres et au service des peuples européens. Cette reconstruction doit se réaliser, par le biais- notamment- de politiques budgétaires et fiscales, coordonnées et communes, ainsi que de politiques monétaires adaptées à chaque pays-membres.

 

La crise irlandaise : le fiasco d’un paradis fiscal

L’Irlande fut longtemps présentée, comme le modèle réussi de la libéralisation économique et financière. Cependant, les crises de 2007-2008, ont secoué ce pays et montré les conséquences catastrophiques de la déréglementation néolibérale menées, depuis trois décennies. Cette dérégulation y a entraîné la naissance d’un système bancaire et financier hypertrophié, et fait de ce pays un paradis fiscal, pour les sociétés transnationales et les marchés financiers.

 

Mais l’éclatement de la bulle financière a entraîné la ruine de dizaines de milliers d’acquéreurs de logements et l’effondrement des banques. Pour tenter de résoudre la crise d’une dette colossale, le régime a imposé une grande austérité au peuple irlandais et transformé les dettes des banques privées en dettes publiques. Ces dernières ont bondi de 24,9 % du PIB en 2006 à 90% du PIB en 2010.

 

Traitement exemplaire de la crise de la dette islandaise

Les causes néolibérales de la crise islandaise sont semblables à celles de la crise irlandaise. Le volume des dettes des banques privées équivalaient à plusieurs fois le montant du PIB du pays. Toutefois, l’admirable mobilisation du peuple islandais a réussi à empêcher que la plus grosse partie de ces dettes deviennent des dettes publiques.

 

                                                    Hakim Arabdiou

1 novembre 2011

Manifeste des économistes atterrés : crise et dettes en Europe : 10 fausses évidences et 22 mesures en débat pour sortir de l’im

Livre : Manifeste des économistes atterrés : crise et dettes en Europe : 10 fausses évidences et 22 mesures en débat pour sortir de l’impasse

 

De Philippe Askenazy, Thomas Coutrot, André d’Orléan, Henri Sterdyniak.

 

 

Quatre économistes, Philippe Askenazy, Thomas Coutrot, André d’Orléan, Henri Sterdyniak, ont publié aux éditions Les Liens qui libèrent, en 2010, à Paris, un ouvrage intitulé, le Manifeste des économistes atterrés : crise et dettes en Europe : 10 fausses évidences et 22 mesures en débat pour sortir de l’impasse.

 

Ce manifeste a été signé par plus de sept cents de leurs consœurs et confrères de diverses Écoles économiques en France. Il part d’un constat paradoxal : les crises économique et financière, de 2007-2008, dans les grands pays capitalistes, n’ont pas mis en fin à la domination de la pensée néolibérale, ni à la soumission des gouvernements de ces pays au diktat des marchés financiers. Effet, ces gouvernements s’entêtent à appliquer, depuis trente ans, les mêmes mesures d’austérités, qui ont provoqué la crise actuelle.

 

Aussi, l’objectif des auteurs est-il de tordre le cou à dix idées fausses, martelées par les forces du marché et leurs « experts ». Cette critique radicale s’accompagne de vingt-deux propositions, en vue de contribuer à surmonter la crise actuelle et à refonder l’Union européenne sur des bases nouvelles.

 

C’est ainsi que selon les économistes néoclassiques seule la liberté totale des marchés financiers et de la concurrence conduira à la meilleure allocation des ressources et à la fixation du juste prix des biens et services. L’erreur fondamentale de ces économistes consiste à transposer aux actifs tant monétaires et que financiers, la loi de l’offre et de la demande des biens et services. Cette loi indique que le niveau de variation des prix est inversement proportionnel au niveau de variation de l’un ou l’autre de ses termes.

 

Or s’agissant d’un actif, plus il est demandé, plus son prix augmente ; moins il est demandé, plus son prix baisse. De plus, ces prix s’auto-entretiennent. Car plus le prix d’un actif augmente, plus il est demandé ; et plus son prix baisse, moins il est demandé, et ainsi de suite. Ce qui aboutit souvent à un prix de l’actif, sans lien avec sa valeur réelle.

 

Autre mystification : la supériorité des marchés financiers dans le financement de l’économie. En vérité, ce sont les agents économiques, qui se retrouvent contraints d’engraisser les marchés financiers. L’exigence par ces derniers de taux de profits exorbitants, 15-20%, sont antiéconomiques, tout en creusant davantage les inégalités sociales.

 

Il est en effet difficile de trouver des projets aptes à satisfaire de tels taux. Et quand c’est possible, les gestionnaires des entreprises réduisent la masse salariale, en vue d’accroître la part des profits et des dividendes.

 

 

 

Les marchés financiers seraient également les meilleurs juges de la solvabilité ou non des États quant à leurs capacités à honorer leurs dettes.

 

Nous sommes, alors, amenés à penser que les taux d’intérêt sur les dettes publiques, imposés par les marchés financiers, à partir des notes attribuées à ces dettes par les agences de notation reflètent effectivement les risques encourus par les prêteurs. Il n’en est rien.

 

Le jugement sur les gains et les pertes d’un actif monétaire ou financier n’est pas mesurable objectivement, comme on mesure les biens et services ordinaires. Il résulte d’un jugement subjectif. Ces agences ne prennent également en compte que la dimension financière. De surcroît, leurs notes ne sont pas neutres, mais « auto-réalisatrices ». Une mauvaise note octroyée à la dette de tel ou tel pays, à partir d’un risque inexistante ou surestimé, au départ, finit par advenir, comme c’est le cas de la Grèce, par exemple.

 

Suite à cela, les taux d’intérêt de sa dette ont augmenté significativement et ont alourdi les services de la dette qu’elle doit débourser. Ceci a aggravé à son tour son déficit et sa dette, ainsi que ses difficultés à rembourser la dette et le risque de défaut de paiement.

 

Mais par quel mystère une situation irréelle devient-elle réelle ? Par le fait que les marchés financiers fonctionnent sont moutonniers, et en essayant d’anticiper (spéculer) en permanence sur leurs chances de gains et leurs risques de pertes. Aussi, sont-ils à l’affût, et aussi à la merci de la moindre information de ce genre. Si, à tort ou à raison, ils anticipent l’augmentation du prix de tel ou tel actif, tous les acteurs des marchés financiers s’empressent d’acheter cet actif. Cette demande fait alors accroître le prix de cet actif.

 

Enfin, la dégradation de la note d’une dette peut également être effectuée à dessein, dans la mesure, où cette dégradation fait augmenter les taux d’intérêt. Elle constitue de ce fait, une source de profits supplémentaires, pour les marchés financiers (prêteurs), auxquels ces agences sont inféodées idéologiquement et commercialement.

 

Il paraît aussi que pour résorber la dette publique, il faudrait réduire les dépenses publiques. Cette idée est sous-tendue par une autre. Les déficits publics seraient provoqués par les politiques de dépenses publiques (de relance) ; et aussi que tout déficit public entraîne nécessairement une dette publique. Par conséquent, la réduction de la dette publique passerait nécessairement par la réduction des déficits publics, lesquels impliquent la réduction des dépenses publiques. 

 

Il faut d’abord savoir que les déficits publics peuvent avoir plusieurs causes, les unes légitimes, les autres illégitimes. Il est ensuite des déficits publics, qui sont bénéfiques à l’économie et au pouvoir d’achat, parce qu’ils constituent une avance sur les richesses à venir, grâce à une politique de redistribution et d’investissement. 

 

Au contraire des politiques d’austérité (pour le peuple) qui prétendent résoudre le problème des déficits publics et de la dette, en réduisant sensiblement les dépenses publiques. Ce qui maintient ou plonge le pays concerné dans la récession. Cette dernière diminue à son tour les recettes publiques.

 

Autre fausse évidence que les tenants du néolibéralisme et leurs chiens de gardes au sein de la classe politique, des économistes et des médias aux ordres, ont usé et abusé depuis fort longtemps, à savoir que la baisse des cotisations sociales et des impôts sur les bénéfices des entreprises, en allégeant le coût du travail, favorisent l’investissement. Ce qui accroît les recettes de l’État, et évite à ce dernier d’emprunter. Encore faudrait-il préciser de quelle –type- de baisse d’impôts il s’agit.

 

Le déficit public dans les pays capitalistes trouve son origine dans la réduction significative des recettes publiques, à cause des crises économiques et financières, ainsi que des énormes cadeaux fiscaux offerts, depuis trente ans, aux bénéficiaires des profits et de hauts revenus, ainsi qu’au détenteur de patrimoine.

 

 

 

                        Hakim Arabdiou

 

 

28 septembre 2011

Livre : Laurent Joly : l’Antisémitisme de bureau : enquête au cœur de la préfecture de Police de Paris et du commissariat généra

 

Livre : Laurent Joly : l’Antisémitisme de bureau : enquête au cœur de la préfecture de Police de Paris et du commissariat général aux Questions juives (1940-1944).

 

Par Hakim ARABDIOU

 

L’historien, Laurent Joly, vient de commettre un ouvrage intitulé, l’Antisémitisme de bureau : enquête au cœur de la préfecture de Police de Paris et du commissariat général aux Questions juives (1940-1944), aux éditions Grasset, en 2011, à Paris.

 

Selon notre historien, côté français, deux structures publiques, créées sur injonctions des autorités d’occupation allemandes, durant la Seconde Guerre mondiale, ont joué un rôle de premier plan, dans la persécution, la déportation, l’extermination et la spoliation des Juifs de France.

 

Il s’agit de la « Sous-direction des Étrangers et des Affaires juives » dite « service juif » de la préfecture de Police de Paris, dont les prérogatives s’étendaient également à la région parisienne ; et du commissariat général aux Questions juives.

 

Cette persécution est la mise en œuvre de la politique de la « Collaboration » avec l’Occupant, du gouvernement du maréchal, Philippe Pétain, en vue -entre autres- du règlement définitif du « problème juif ». Selon la propagande de ce régime, l’élimination de l’ « influence néfaste des Juifs de la vie politique et économique » en France (et en Europe), constitue l’un des problèmes les plus cruciaux à résoudre pour le redressement de la nation française.

 

 

L’État français, vassal de l’Allemagne nazie

 

Outre les nombreuses lois et mesures raciales et racistes de la puissance occupante, une législation française, tout aussi pléthorique et antisémite, a également été promulguée à cet effet.

 

De plus, la préfecture de Police de Paris et le commissariat général aux Questions juives ne se sont pas contentés d’appliquer à minima les injonctions de l’ennemi,à l’encontre cette catégorie de la population, comme cela se faisait alors aux Pays-Bas et en Belgique. Ils ont souvent aggravé les mesures antijuives promulguées par les nazis.

 

Selon l’ordonnance de la puissance occupante, du 27 septembre 1940, est considéré comme Juif, toute personne ayant trois grands-parents juifs, ou bien qui a deux grands-parents juifs, et ayant elle-même épousé un Juif ou appartenant à la communauté –religieuse- juive.  Mais l’ordonnance de l’État français, du 2 juin 1941, en donne une définition plus extensive. Pour ne pas être considéré comme juif, il faudrait de surcroît prouver que l’on a adhéré, avant le 25 juin 1940, à une religion chrétienne. C’est ainsi que nombre de Juifs, qui avaient d’abord échappé au texte des nazies, ont ensuite été rattrapés, par le texte français. La plupart d’entre eux ont été dépouillés de leurs biens et/ou gazés dans un camp d’extermination.

 

De même que la législation « souveraine » française a non seulement confirmé l’interdiction faite aux Juifs par les nazis de travailler dans les administrations et entreprises publiques de leurs pays, mais aussi allongé aussi sensiblement la liste établie par les nazis relatifs aux emplois dans le secteur privé interdits d’accès aux Juifs.

 

Cette même législation a également décidé le licenciement sans indemnités des salariés juifs et le reversement aux propriétaires juifs que le minimum de subsistance, tiré des revenus de la gestion ou de la vente à des « Aryens » français, par des administrateurs provisoires, des biens, dont ils avaient été spoliés, alors même que la législation nazie avaient demandé de leur verser les revenus (plus ou moins ponctionnés au passage), tirés de la gestion ou de la vente de leurs biens.

 

Racisme antijuif et carriérisme professionnel

 

Comment expliquer l’acharnement politico-administratif et policier, ainsi que la complicité directe et active de la préfecture de Police de Paris et du commissariat général aux Questions juives, dans l’oppression et l’extermination d’une partie de leurs compatriotes ? L’auteur avance trois facteurs conjugués et convergents : la pression permanent et la crainte que la Gestapo, la SS et autres services de répression allemands inspiraient aux fonctionnaires français ; l’antisémitisme, souvent forcené, de ceux-ci ; et le fait qu’une grande partie des dirigeants et des cadres de ces deux structures, en particulier de la deuxième, sont affiliés ou proches idéologiquement des organisations d’extrême droite françaises.

 

Autre facteur non négligeable à prendre en compte, le souci de carrière professionnelle. Ce dernier facteur offre également aux intéressés un réconfort, qui leur donne l’illusion qu’ils n’étaient pas des traîtres à leur patrie, mais qu’ils n’accomplissaient que leur travail.  Surtout lorsque ce réconfort se double du sentiment d’avoir « résisté » aux Allemands, par le fait qu’ils avaient « réussi » à imposer la « souveraineté française » en matière de législation antijuive et de défense des « intérêts français », afin que la spoliation des biens des Juifs profitent aux capitalistes français.

 

Si la grande majorité des policiers de ces deux institutions ont été sanctionnés, y compris par les tribunaux, ce fut très loin d’être le cas pour ce qui est de la quasi-totalité de leur personnel « administratif ». Presque tous ont pu suivre une carrière, parfois brillante, la plupart du temps à la Préfecture de Police de Paris, dans d’autres administrations publiques, et dans une moindre mesure, dans le secteur privé. Certains se sont même vus décorer, en connaissance de cause par le général de Gaulle, alors président de la république française, de la Légion d’honneur.

 

 

                                   Hakim Arabdiou

3 juillet 2011

Livre : les Dettes illégitimes

http://www.elwatan.com/dyn/imprimer.php?link=http%3A%2F%2Fwww.elwatan.com%2Fhebdo%2Farts-et-lettres%2Fodieusement-votre-02-07-2011-130966_159.php

Essai. Les Dettes illégitimes

Odieusement vôtre

Par Hakim Arabdiou

le 02.07.11 | 01h00

Quand les pays développés connaissent des angoisses de Tiers-Monde.

L’économiste français, François Chesnais, traite dans son récent ouvrage Les Dettes illégitimes : quand les banques font main basse sur les politiques publiques*, des dettes publiques des pays européens de la zone euro, et de la nécessité de leur annulation. Et pour cause ! Ces dettes ont souvent été contractées à des fins ou dans des conditions fort douteuses. Elles ont ainsi acquis les surnoms peu glorieux de «dettes odieuses» ou «dettes illégitimes» que les pays du Sud connaissent depuis les années 80 et 90.


Ces dettes constituent un transfert énorme vers les marchés financiers d’une part importante des richesses produites par les nations et les peuples, au détriment de la satisfaction de leurs besoins économiques et sociaux.

 

Pour un pays comme la France (qui n’est pourtant pas le plus endetté de la zone euro), le premier poste budgétaire de l’Etat est celui du paiement annuel des intérêts de la seule dette publique ou souveraine et le remboursement d’une fraction du capital de cette dernière.

 

Tous les pays de la zone euro ont vu leurs dettes publiques et privées s’aggraver du fait des crises économique et financière, entraînant des fermetures d’entreprises, et donc une baisse des recettes fiscales.

 

Pour rembourser ces dettes, les soutiers des marchés financiers, à la tête des Etats européens et de l’Union européenne, n’hésitent pas à saigner leurs peuples. Ils accentuent pour cela leurs agissements politico-maffieux entamés, depuis le début des années 80, de libéralisation et de déréglementation, aussi bien de leurs pays que du reste de la planète : privatisation des entreprises publiques, «rigueur» budgétaire, licenciements massifs, accès de plus en plus difficile à l’enseignement, à la santé… baisses des salaires et du pouvoir d’achat, affaiblissement de la protection sociale, attaques contre les retraites, etc.


Les dettes élevées des pays de la zone euro trouvent leur origine dans deux séries de facteurs, les unes communes à ces pays et les autres propres à l’Irlande, l’Espagne et au Portugal. Les premiers facteurs sont dus aux réductions successives par les gouvernements de droite et les gouvernements sociaux-démocrates, de l’imposition des hauts revenus et des profits, à l’évasion fiscale vers les paradis fiscaux, et plus récemment au sauvetage des banques par les Etats à coups de centaines de milliards d’euros. Le deuxième facteur concerne le mode de croissance fondé sur l’endettement.

 

Quant aux dettes publiques et privées de la Grèce, elles relèvent de tous ces facteurs à la fois, s’ajoutant à d’autres, plus anciens, tels que les sommes considérables d’achat d’armes, la corruption généralisée... 


Suite au chômage structurel et aux réductions des dépenses publiques entraînant tous deux une baisse importante et durable de leur pouvoir d’achat, une part croissante des populations de ces pays se trouve contrainte de s’endetter.

 

On assiste également à l’endettement considérable des établissements financiers, en particulier des banques, tant en Europe qu’en Amérique du Nord, un endettement supérieur à celui des ménages.

 

Cela s’explique par le fait que les prêts qu’ils ont accordés dépassent très largement leurs capacités. Ils ont alors recouru, et continuent de recourir massivement à l’effet de levier, qui permet certes des taux de profit fantastiques, comparativement à ceux obtenus à partir des crédits octroyés sur leurs capitaux propres. Ils courent cependant de gros risques, pouvant mener à la faillite, comme c’est arrivé à Lehman Brothers et de nombreux autres établissements financiers, avec la crise des subprimes aux USA et ses effets mondiaux.


Les dettes des pays du tiers-monde au milieu des années 70 ont été contractées à des taux d’intérêt variables et en dollars. Quelques années plus tard, la multiplication brutale (par 3 ou 4) de leurs taux d’intérêt par les USA (1979), et l’augmentation importante du taux de change du dollar (1981) ont étranglé financièrement ces pays.

 

Ont suivi les sinistres «conditionnalités» ultra-libérales du FMI, une institution à la solde des sociétés capitalistes transnationales, pour piller davantage les économies et les peuples de ces pays, en drainant les richesses de la périphérie vers le centre capitaliste, avec des conséquences dramatiques sur les économies et les peuples.

 

La notion de «dettes odieuses» a été définie, en 1927, par Alexandre Sack, professeur de droit à Paris, d’origine russe, en tant que dette «contractée par un régime despotique, pour des objectifs étrangers aux intérêts de la Nation et des citoyens».

 

Le Center For International Sustainable Dévelopment de l’université McGill de Montréal en donne une définition similaire. Les dettes de ce type sont «celles qui ont été contractées contre les intérêts des populations d’un Etat, sans leur consentement et en toute connaissance de cause du côté des créanciers».


C’est pour cette raison que François Chesnais, à l’instar des autres économistes marxistes et des forces de gauche en Europe, n’appelle pas à l’annulation de toute dette par principe, mais uniquement celles qui ont été conclues au détriment des peuples ou dans des conditions peu scrupuleuses.

 

D’ailleurs, au cœur même de la haute finance, des voix discordantes, mais encore minoritaires, proposent la «restructuration» des dettes souveraines de l’Irlande, de la Grèce et du Portugal.  


*Publié aux Editions Raisons d’agir, Paris, 2011.
 

Hakim Arabdiou
 
 
© El Watan
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26 juin 2011

Livre : le 20e terroriste n’a jamais existé, de Lotfi RAISSI

http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/livre-le-20e-terroriste-na-jamais-existe-de-lotfi-raissi/3319

Livre : le 20e terroriste n’a jamais existé, de Lotfi RAISSI

Mardi 21 juin 2011
 
 

L’ancien pilote d’avion et instructeur de pilotage algérien, Lotfi Raïssi, vient de publier un ouvrage où il raconte comment, dans la nuit du 21 au 22 septembre 2001, sa vie a basculé dans un cauchemar. Vers 3h30, une escouade de policiers, armés de fusils d’assaut, envahit son appartement de la banlieue de Londres. Il est arrêté sous l’accusation d’être un lieutenant d’Oussama Ben Laden, organisateur des attentats du 11 septembre 2001, et d’avoir formé au pilotage les terroristes d’El Qaîda, impliqués dans cet événement. Pour le FBI et le MI5, il était le bouc émissaire idéal : jeune, 27 ans, instructeur de pilotage et musulman, alors qu’il n’a rien d’un islamiste, encore moins d’un terroriste. Il a ainsi le triste privilège d’être la première personne arrêtée dans le cadre de ces attentats.

Sa femme, Sonia, française originaire de Grenoble, est arrêtée en même temps, de même que son frère aîné, Mohamed, marié et résidant aussi à Londres. Mohamed est maintenu deux jours en garde à vue, et Sonia, cinq jours. Dès sa sortie, elle est licenciée par Air France de son poste d’hôtesse d’embarquement à l’aéroport de Heathrow. Quant à Lotfi, il est maintenu sept jours en garde à vue, bien au-delà du délai légal maximum de 72h, avant d’être incarcéré dans la sinistre prison de Belmarsh réservée aux plus lourdes peines de réclusion et aux terroristes islamistes. Des gardiens, commandés ou non de l’extérieur, tenteront à deux reprises de le faire assassiner à l’arme blanche par des détenus de droit commun. Il est traîné dans la boue par la presse britannique, états-unienne et arabe (El Jazeera et El Arabia), sans aucun respect pour la présomption d’innocence.

La plus grande crainte de ses avocats et de ses proches était que la justice britannique cède aux énormes pressions des USA pour le faire extrader vers ce pays où il risquait la chaise électrique. Mais la solidarité s’organise. Sa famille à Londres et en Algérie, des amis algériens, arabes, mais aussi britanniques, états-uniens et français, lancent notamment une pétition pour sa libération. La presse algérienne, maghrébine et africaine le soutient également.

Le juge Timothy Workman, exaspéré par l’absence totale de preuves à l’appui d’accusations gravissimes, finit, le 12 février 2002, par lui accorder la liberté provisoire, après quatre mois et demi de détention, puis un non-lieu, le 24 avril suivant. Mais l’avenir professionnel de la victime, inscrit sur la liste noire de l’aviation civile, est compromis. Pour Lotfi Raïssi, le pilotage est plus qu’une passion. Sa mère n’avait pas hésité à sacrifier le montant d’un héritage pour financer ses études à l’étranger, notamment aux USA où il a obtenu en deux ans seulement la licence de pilotage. Il préparait d’ailleurs l’examen d’habilitation de sa licence de pilotage sur des Boeing 737 lorsqu’il fut appréhendé. Quelques semaines plus tard, de parfaits imbéciles au ministère algérien des Transports rejetteront sa demande de recrutement au pays, sous prétexte que ses diplômes étaient américains ! L’année suivante, on lui propose, avec «déférence», le même poste de pilote, dans la compagnie algérienne de son choix. Mais il refuse par principe.

Après le non-lieu, une autre lutte attendait Lotfi : obtenir réhabilitation et réparation de la part du gouvernement de Sa Majesté. Avec son frère et sa femme, il intente un procès à Scotland Yard, au FBI et au procureur général. Après une longue et âpre bataille judiciaire de huit années, ils obtiennent gain de cause, à la hauteur des préjudices subis. Lotfi Raïssi n’est cependant pas au bout de ses peines. Il ne peut circuler librement qu’entre l’Algérie et la Grande-Bretagne. En dépit des jugements rendus en sa faveur à six reprises par la Cour suprême du Royaume-Uni, les USA ont maintenu le mandat d’arrêt international contre lui. Il garde toutefois espoir : le gouvernement algérien a engagé récemment une demande de retrait de ce mandat.

Hakim Arabdiou

Lotfi Raïssi. «Le 20e kamikaze n’a jamais existé : histoire d’une manipulation des services secrets américains et anglais». Ed. Jacob-Duvernet, Paris, 2011

26 juin 2011

UJEM : Sonia MEJRI : Pour un Maghreb démocratique et laïque

http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/ujem-sonia-mejri-pour-un-maghreb-democratique-et-laique/3254

UJEM : Sonia MEJRI : Pour un Maghreb démocratique et laïque

Jeudi 9 juin 2011
 
 

Sonia MEJRI, 31 ans, est née, et vit à Montpellier, dans le sud de la France, une ville où ses parents, tunisiens, sont installés, depuis le début des années 1970. Elle est depuis six ans professeure dans une école maternelle, située en Zone d’éducation prioritaire (ZEP), dans la ville de Sète.

L’intéressée est sur le point d’achever une thèse de doctorat en histoire contemporaine des sociétés et des religions. Sa formation d’historienne l’a fortement engagée dans la voie du militantisme associatif ; un militantisme qu’elle A en vérité entamé, depuis l’âge de 17 ans. D’abord, dans un quartier voisin de chez ses parents, où elle aidait les plus jeunes à faire leurs devoirs scolaires, le soir après l’école, et dans certaines de leurs démarches scolaires.

Elle eut cependant une rencontre décisive, celle de membres de l’Union des Jeunes euromaghrébins (UJEM), lors d’un voyage, en 2005, à Paris. Elle découvre à cette occasion la philosophie et les objectifs de la lutte pour les droits de l’Homme et la démocratie, la coopération et les échanges entre les jeunes européens et maghrébins, ainsi que le dialogue interculturel au sein de l’UJEM.


Hakim Arabdiou : Pouvez-vous présenter votre association à nos lecteurs ?
Sonia MEJRI :
L’UJEM est une association de la loi 1901, créée en 2003. Son siège se trouve à Paris. Elle possède également une section à Montpellier, et d’autres dans certains pays européens et d’Afrique du Nord. Nous avons aussi des sympathisants et des adhérents dans plusieurs pays, mais sans pour autant y avoir de sections. En 2009, notre ONG a été admise, membre du Conseil Consultatif de la Jeunesse du Conseil de l’Europe, dont le suis la vice-présidente. Je considère cette admission comme une reconnaissance du travail que mes camarades et moi avons réalisé sur leur terrain.

Notre association se compose de jeunes démocrates maghrébins, euromaghrébins et européens.
Ils œuvrent à l’unification des pays du Maghreb ; à leur démocratisation, et au respect en leur sein des droits de l’Homme et à l’instauration de la laïcité. De même qu’ils contribuent à la promotion de l’égalité entre l’homme et la femme en Europe et au Maghreb ; à l’établissement des liens d’amitié et de coopération entre les jeunes d’Europe et du Maghreb ; et enfin à favoriser un partenariat euromaghrébin, basé sur le respect mutuel et la solidarité.

H.A. : Quels sont les résultats de la Conférence internationale sur l’avenir du Maghreb, que vous avez organisée récemment à Tunis ?
S.M. :
La Conférence de Tunis, qui s’est déroulé du 27 au 30 avril 2011, a eu pour objectif de réfléchir sur l’avenir du Maghreb. Elle s’est tenue à Tunis, l’une des villes symboles des manifestations du Printemps arabe pour la liberté, la dignité et la démocratie. Ces valeurs sont le fil conducteur de tous les mouvements, qui, aujourd’hui, ébranlent les pays du Maghreb et le reste du monde arabe. Nous avons tenu cette conférence à cette date précisément, afin de commémorer l’Appel de Tanger, au Maroc, du 27 avril 1958, dans lequel les partis nationalistes marocains, algériens et tunisiens, s’étaient engagés, solennellement, à réaliser l’unification des pays maghrébins, dès l’indépendance de l’Algérie. L’appel de Tunis est un appel historique, le premier issu d’un Mouvement de la jeunesse pour un Maghreb démocratique. Il est destiné avant tout aux forces vives et à la société civile au Maghreb. Suite à la Conférence, nous allons travailler pour qu’ils constituent dans le cadre d’un Conseil consultatif, rédigent une Charte maghrébine des droits et des libertés, etc.

H. A. : Comment voyez-vous l’avenir du projet du Grand Maghreb ?
S. M. :
L’avenir du Grand Maghreb sera forcément meilleur, puisqu’il se basera sur les attentes et la réflexion de ses peuples. Nous appelons d’ailleurs à l’ouverture des frontières entre les pays du Maghreb en vue de la libre circulation de leurs ressortissants dans cet espace géopolitique. D’une manière générale, les valeurs, portées notamment par la Révolution tunisienne, sont universelles et revendiquées par la jeunesse qui manifeste, depuis des mois dans le monde arabe. Nous avons conscience, nous les jeunes, que l’avenir est plus que jamais entre nos mains.

Propos recueillis par Hakim Arabdiou

Mlle Sonia MEJRI
Secrétaire Internationale de UJEM-France
Vice-Chair of the Advisory Council on Youth - Council of Europe

26 juin 2011

Amina LOTFI : « Pour une Constitution marocaine garantissant une égalité effective entre les femmes et les hommes, ainsi que la

http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/amina-lotfi-%C2%AB-pour-une-constitution-marocaine-garantissant-une-egalite-effective-entre-les-femmes-et-les-hommes-ainsi-que-la-prohibition-de-toutes-les-formes-de-discriminations-%C2%BB/3317

Amina LOTFI : « Pour une Constitution marocaine garantissant une égalité effective entre les femmes et les hommes, ainsi que la prohibition de toutes les formes de discriminations »

Mardi 21 juin 2011
 
 

Madame Amina Lotfi est Consultante en Genre et Développement, et directrice d’un bureau d’étude et de recherche en Développement social à Rabat, au Maroc. Elle a adhéré, en 2001, aux instances dirigeantes du Comité de soutien à la scolarisation des filles en milieu rural au Maroc. Elle est, depuis février 2009, vice-présidente du bureau de Rabat, de l’Association démocratique des femmes marocaines (ADFM), et depuis quelques mois, présidente nationale par intérim de cette association.

Son parcours militant a commencé en 1991. D’abord, au sein d’un organisme de développement international où elle avait la responsabilité du programme des droits humains des femmes et égalité entre les sexes. Ce poste lui a permis de travailler avec la quasi-totalité des associations féministes marocaines, en particulier avec l’ADFM. Elle est fière aussi d’avoir accompagné toutes les actions ayant trait à la promotion des droits des femmes de son pays.

 

Ces actions ont abouti notamment aux réformes du Code de la nationalité (2007) avec le droit des Marocaines de transmettre leur nationalité à leurs enfants ; du Code de la famille (2004) avec l’abolition du devoir d’obéissance de la femme à son mari et la consécration de l’égalité des époux en droits et en responsabilités, etc. ; du Code pénal (2003) avec l’aggravation des sanctions concernant les violences conjugales, ainsi que la pénalisation du harcèlement sexuel. Elle a octroyé le droit pour la femme de se porter partie civile contre son mari, sans l’autorisation du juge…) ; du Code du travail (2003) avec le principe de la non-discrimination entre les hommes et les femmes dans le domaine professionnel (embauche, salaires, etc.).

Hakim Arabdiou : Pouvez-vous nous présenter votre association : l’Association Démocratique des Femmes du Maroc ?
A. L.
: l’ADFM a été créée en juin 1985 à Casablanca, par un groupe de femmes, attachées aux principes des droits humains des femmes et du progrès au Maroc. Ces militantes avaient ressenti la double nécessité de s’investir davantage dans le combat pour l’égalité totale entre les femmes et les hommes, et d’agir au sein d’une structure autonome propre aux femmes. Notre association est née dans une conjoncture internationale, marquée par la fin de la décennie des Nations-unies pour la femme, et son couronnement par la conférence de Nairobi, au Kenya. Nous venions, au Maroc, de connaître le début du processus de démocratisation de la vie politique, ainsi que les premiers balbutiements de la société civile et l’émergence d’une conscience féministe.
Notre association lutte pour la réforme des lois et des politiques publiques discriminatoires envers les femmes, en vigueur au Maroc, ainsi que pour le changement des mentalités dans une perspective d’égalité entre les sexes et l’accès des Marocaines à une citoyenneté pleine et entière. Après les inévitables tâtonnements des débuts, l’ADFM est aujourd’hui une association crédible aussi bien sur la scène nationale qu’internationale. Elle a occupé une place centrale dans les mobilisations de ces dernières années, et qui se sont soldées par des acquis non négligeables pour les femmes de mon pays.

H.A. : En visitant votre site, j’ai lu votre appel à manifester pour la “constitutionnalisation de l’égalité effective entre les femmes et les hommes dans tous les droits”.
A.L. :
Cet appel a été lancé à l’occasion du 1er-Mai 2011, et dont les manifestations des organisations féministes se sont déroulées à Rabat et Casablanca. Nous considérons, qu’il est important de sensibiliser l’opinion publique marocaine sur la nécessité d’intégrer les principes d’égalité et de non-discrimination entre les femmes et hommes dans toutes les dispositions constitutionnelles. Cet appel a été lancé dans le cadre de la coalition marocaine du « Printemps Féministe pour la Démocratie et l’Égalité » pour la réforme de la Constitution, dont nous sommes membres.

H. A. : Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
A. L. :
Les associations féministes marocaines ont l’habitude de se mobiliser et de fédérer leurs efforts pour défendre les grandes causes. Il s’agit en réalité de notre troisième Printemps pour la promotion des droits des femmes marocaines. La première coalition, intitulée « Printemps de l’égalité » s’était constituée, au début des années 2000, en vue de la réforme du Code de la famille. La seconde coalition, intitulée, « Printemps de la dignité », a vu le jour en 2009, pour la réforme du Code pénal. La troisième coalition, s’est constituée, en mars 2011, sous l’appellation, « Printemps féministe pour la démocratie et l’égalité », pour la réforme de la Constitution. Cette coalition est composée de 22 associations domiciliées dans différentes régions du Maroc et œuvrant pour la promotion et la protection des droits humains des femmes.

La coalition du Printemps Féministe pour la Démocratie et l’Égalité a élaboré et présenté sa plate- forme revendicative à la commission chargée de la réforme de la Constitution, instituée le 11 janvier dernier, par le Roi. Nos revendications concernent la constitutionnalisation dans notre pays de : 1- La primauté des traités internationaux des droits de l’Homme ratifiés par le Maroc sur les lois nationales et leur consécration en tant que source de législation. 2- L’égalité effective entre les hommes et les femmes dans les droits économiques, sociaux, civils, politiques et culturels. 3- La prohibition de toute discrimination basée sur le sexe, quelle qu’en soit l’origine. 4- de mécanismes et de mesures garantissant la promotion des droits des femmes.

H. A. : Comment situez-vous votre association par rapport aux autres associations féministes ? Qu’est-ce qui la distingue des autres associations ?
A. L. :
Il est difficile de situer une association féministe par rapport à une autre. Certes, nos approches sont différentes (fort heureusement), mais nous partageons les mêmes objectifs et les mêmes référentiels en l’occurrence, les valeurs humaines universelles.
L’ADFM œuvre depuis plus de 25 ans pour notamment l’égalité en matière de droits civils, politiques, socio-économiques et culturels ; l’égalité dans l’accès aux postes de décision, d’égalité salariale… la protection des femmes contre toute forme de violence ; l’adoption de mesures correctives des écarts de genre, ainsi que pour le changement des mentalités et la promotion des valeurs égalitaires.

H.A. : Quel est le niveau de coordination des luttes des féministes marocaines avec les autres féministes maghrébines et proche-orientales ?
AL. :
Le travail de coordination avec les féministes aussi bien au Maghreb qu’au Proche-Orient a commencé de façon informelle, à la fin des années 1980. Nous nous sommes ensuite structurées dans des réseaux et des coalitions. Ainsi, le collectif 95 Maghreb Égalité, a vu le jour, en 1992. Il a mené un travail de réflexion et d’action, notamment pour une codification de l’égalité dans les relations familiales au Maroc, en Algérie et en Tunisie. Nous avons mené ultérieurement, mais dans un cadre plus large (la région MENA : Algérie, Maroc, Tunisie, Égypte, Iran, Jordanie, Liban, Yémen), plusieurs campagnes, notamment sous le slogan, ” Ma nationalité est mon droit, et celui de mes enfants”. Ces campagnes ont abouti à la reconnaissance aux femmes de ces pays arabes mariées à des non- nationaux, du droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants. Elles ont également permis, la levée des réserves de nos gouvernements respectifs, sur certaines dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), et ce suite à la campagne lancée en 2006, sous le slogan : ” Égalité sans réserve”.

H. A. : Peut-être, un dernier mot ?
A. L. :
Je salue au nom de militantes de l’ADFM, toutes les féministes du Maghreb et du Moyen-Orient pour leur combat contre l’inégalité et les discriminations, ainsi que pour leur contribution à la démocratisation de leur pays respectifs. Le processus de démocratisation de nos pays sera long. Il requiert pour cela beaucoup d’énergie et de sacrifices. C’est pourquoi, il ne faut jamais baisser les bras.

Propos recueillis par Hakim Arabdiou

26 juin 2011

Les « aidants sexuels » : une prostitution déguisée et légalisée


http://www.gaucherepublicaine.org/?p=3334&preview=true

Les « aidants sexuels » : une prostitution déguisée et légalisée

Mardi 21 juin 2011

 
 

Les droits des femmes subissent des remises en cause récurrentes. Elle provient cette fois-ci du Collectif Handicaps et Sexualités, crée en 2008. Ce Collectif, qui regroupe notamment l’Association française contre les myopathies, l’Association des paralysés de France et l’Association Handicap international, réclame entre autres des « prestations sexuelles» assurées par des personnes, rémunérées, au profit de nos concitoyens lourdement handicapées.

 

Or c’est exactement la définition de la prostitution, quelle que soit la «noblesse » du but dont on pare ce prétendu nouveau métier, pas aussi nouveau que cela, et de l’innocent intitulé, « aidant sexuel », qu’on lui attribue.

D’ailleurs, les rares pays au monde où les « aidants sexuels » existent légalement, Pays-Bas, Danemark, Belgique, Suisse et Allemagne, considèrent eux-mêmes cette activité comme une prostitution spécialisée. Ces pays sont également connus pour leur législation trop laxiste envers la prostitution.

Seulement, la France est un pays abolitionniste pour ce qui est de cette pratique dégradante.

 

C’est pourquoi, il faudrait, selon ce Collectif, dépénaliser l’activité des « aidants sexuels », en l’excluant de la catégorie de client prostituteur, qui est à la dois stigmatisante, et bientôt punie par la loi. C’est d’ailleurs ce à quoi s’attèle le député, Jean-François Chossy, rapporteur de la loi de 2005 sur le handicap.

 

Il s’appuie pour cela sur aussi bien la revendication de ce collectif que sur le rapport de Marcel Nuss de 2006, qui préconise la création par l’Etat de ce « nouveau métier ». Ses employés, qui seront formés à cet effet, seraient selon lui à recruter idéalement parmi le personnel paramédical. C’est rien moins que transformer l’Etat français en proxénète.

 

S’il est important et nécessaire selon la totalité ou la quasi-totalité des organisations féministes françaises, de trouver des solutions aux souffrances sexuelles et affectives des personnes lourdement handicapées, cette solution ne doit en aucun cas résider dans la marchandisation du corps humain, homme ou femme, tel que préconisée par ce Collectif et ces députés. Peut-on également espérer soulager la souffrance des uns en infligeant une souffrance à d’autres ? La prostitution, et ce type de « prestation sexuelle » en est une, constitue l’une des violences les plus graves faites aux femmes.

 

Ceci d’autant plus, que cette fausse solution contredit l’évolution mondiale de la morale et du droit international, ratifié par la France, appelant les Etats à interdire ce fléau.

 

Déjà, la Convention de 1949 de l’Organisation des Nations unies indique que la prostitution et la traite des êtres humains sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine.

 

Cette évolution invite aussi avec insistance, les Etats à pénaliser le client prostituteur. Le Protocole de Palerme constitue une grande avancée dans cette perspective. Ce dernier met en exergue, ce qui est l’évidence-même, à savoir que la « demande » de prostitution de la part du client encourage l’ « offre » de prostitution, ainsi que la prolifération de réseaux maffieux de prostitution et l’industrie pornographique, qui trouvent là un marché immense et fort lucratif dans l’exploitation du corps des femmes.

 

Hélas ! Les féministes savent d’expérience que, encore une fois, ces « nouveaux métiers » se feront principalement au détriment des femmes. Dans les pays ayant légalisé cette « prestation sexuelle», 90% de ces besoins sont ceux des hommes, et autant « satisfaites » par des femmes.

 

De plus, la légalisation de ce type d’activité risque grandement d’ouvrir la boite de Pandore. Au nom de quoi, demain refuserait-on ce type de « prestation » aux prisonniers condamnés à de longues peines de réclusion ? aux personnes atteintes de maladies chroniques? Aux célibataires trop inhibés pour susciter des rencontres ? …. Si tant est que ce type de relations sexuelles puisse satisfaire la majorité des personnes qui fera appel à eux ?

 

On court également le risque que parmi les « aidants sexuels » figurent des êtres pervers pouvant exercer des violences envers ces personnes particulièrement vulnérables, en grande partie des femmes. Car ne nous faisons pas d’illusion : le recrutement d’ « aidants sexuels » rencontrera une très grande réticence de la part du personnel paramédical, en particulier féminin, en dépit de la pression du chômage endémique. Cette demande ne sera satisfaite que par le recrutement de prostituées et de peu d’hommes, parmi ceux qui sont fragilisés socialement ou qui y trouvent un moyen fort commode de gagner sa vie.

 

Enfin, faire appel à des « aidants sexuels » ne fera que renforcer la ghettoïsation des personnes handicapées, alors que la solution serait dans la mise en place d’infrastructures et de moyens financiers et humains aidant les intéressés à mener une vie sociale la plus riche possible, à s’ouvrir sur les lieux de loisir et de cultures… en vue de favoriser des

rencontres.

 

Hakim Arabdiou

 

Sources :

-Contribution de l’association Femmes pour le dire, femmes pour agir au débat sur la question des « Aidants sexuels », le 25 avril 2011. Cette association partage cette contribution avec le Mouvement NID, qui lutte contre la prostitution.

-Réponse au manifeste « Tous solidairs avec les personnes handicapées » publié dans le site de l’Express. Cette réponse a été rédigée et signée- par Claudine Legardinier, journaliste, Malka Marcovich, historienne, Annie Sugier, présidente de la Ligue du droit international des femmes, Sabine Salmon, présidente de l’association, Femmes solidaires, et signé également par plusieurss organisations féministes.

Clara Magazine, n° 124 du 10 mars 2011
-Aidants sexuels : entre droits et dignité, de Gwendoline Lefebvre.
-Le point de vue de Maudy Piot, auteure du livre, Violences envers les femmes, le non des femmes handicapées, éd. L’Harmattan, propos recueillis par Gwendoline Lefebvre.
-Interview de Maudy Piot, par Sabine Salmon.
- La victoire du protocole de Palerme. Apogée de la guerre des mots (7e partie), par Malka Marcovich

15 mai 2011

Parution."train de nuit : une captivité à l'ombre des Aurès"

http://www.elwatan.com/hebdo/arts-et-lettres/enfer-enfermement-14-05-2011-124339_159.php

 

Samedi 14 mai 2011

 
Parution."train de nuit : une captivité à l'ombre des Aurès"

Par Hakim Arabdiou

Enfer, enfermement

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le 14.05.11

 

	En dépit de cette horreur quotidienne, les détenus étaient parvenus à s’organiser.

En dépit de cette horreur quotidienne, les détenus...

Un récit à partir de l’intérieur du sinistre pénitencier de Lambèze.

Boualem Makouf, ancien membre des Combattants de la libération, branche armée du Parti communiste algérien, puis des réseaux du Front de libération nationale, suite aux accords en ce sens entre le PCA et le FLN des printemps-été 1956, vient de commettre aux éditions Bouchène un livre intitulé Trains de nuit : une captivité à l’ombre des Aurès et préfacé par l’historien Mohammed Harbi. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une autobiographie, mais plutôt d’un témoignage sur les affres subies durant la guerre d’indépendance par les combattants algériens, dans les geôles coloniales françaises, en particulier dans la tristement célèbre prison de Lambèse, située au cœur des Aurès, dans l’Est algérien. L’auteur y a été incarcéré, de 1957 à 1961, avant d’être transféré, avec d’autres de ses frères de lutte, vers des prisons en métropole.

 

Auparavant, l’intéressé avait passé une année environ (1956-1957) dans la prison de Barberousse, à Alger, autre haut lieu des crimes d’Etat français en Algérie. Ce livre se veut également un démenti au révisionnisme, ces dernières années, de la part des nostalgiques de «l’Algérie française» et à la loi scélérate de 2005 sur «les bienfaits de la colonisation». Pour les autorités coloniales françaises (Parti socialiste et Parti radical, et la droite, selon l’alternance au pouvoir), les prisons constituaient un maillon de premier plan de la machine de guerre visant à briser l’irrésistible aspiration du peuple algérien à mettre fin à la longue nuit coloniale. Ainsi, les conventions internationales, en premier lieu les Accords de Genève, sur les prisonniers de guerre, y étaient-elles totalement ou en grande partie bafouées, parce que la France ne reconnaissait pas la qualité de résistant algérien.

 

Par une imposture juridique, elle avait qualifié d’«opérations de maintien de l’ordre» la guerre à outrance qu’elle menait contre les Algériennes et les Algériens. Boualem Makouf raconte par le menu comment les 2500 prisonniers politiques ou de guerre étaient réduits par l’administration pénitentiaire de Lambèse à des matricules, afin d’effacer leur identité d’êtres humains. Ils constituaient les souffre-douleur quotidiens de gardiens sadiques, dont les plus féroces étaient «pieds-noirs». Parmi ces derniers, certains étaient d’extrême-droite, et la plupart ne cachaient pas leur opposition farouche à l’indépendance. Ils ne se privaient d’ailleurs pas de le faire savoir aux prisonniers : «Jamais, nous ne nous laisserons gouverner par des bougnoules».

 

Dès leur arrivée au centre de détention, les prisonniers devaient affronter un premier calvaire, celui de la fouille au corps et de la douche. Ils parcouraient ensuite quelques dizaines de mètres au milieu de deux rangées de gardiens déchaînés, qui faisaient abattre sur eux une pluie de coups de barres de fer, de trousseaux de grosses clés, d’injures bassement racistes, les bousculant et les faisant trébucher, etc. Ils devaient se rendre enfin, nus, dans une température glaciale, dans les douches toujours en courant où les gardiens, hilares, avaient pris soin de savonner le trajet. Ce qui provoquait des chutes nombreuses et douloureuses. Les gardiens faisaient aussi brusquement couler sur eux de l’eau bouillante ; ce qui entraînait de nombreuses brûlures, dont certaines graves. Que ce soit pour déjeuner le matin et à midi, ou pour dîner, les prisonniers devaient, sous les insultes et les coups d’une nuée de gardiens à l’affût, courir, toujours courir, puis saisir au vol l’une des gamelles disposées en pyramide. Ils étaient confrontés à la faim, au manque d’hygiène ainsi qu’aux poux qui pullulaient dans les cellules.

 

Les détenus, gravement malades, étaient laissés à dessein sans soins à l’infirmerie ou dans les cellules jusqu’à ce que mort s’ensuive. Il était également courant qu’un gardien provoque un détenu ou trouve un quelconque prétexte, pour ensuite le passer à tabac et/ou l’envoyer au cachot pour une durée d’un à quatre-vingt-dix jours. Dans ce terrible lieu, il était soumis à l’arbitraire et aux pires supplices par un détenu de droit commun, que les prisonniers avaient surnommé le «Sanglier», à cause de sa force bestiale, de sa face hideuse et de sa grande cruauté (voir aussi sa description dans Lambèze de Abdelhamid Benzine). Une salle était aménagée à l’abri des regards, pour les policiers, déguisés en gardiens, qui torturaient les prisonniers, soupçonnés d’entretenir des contacts avec la résistance à l’extérieur.

 

En dépit de cette horreur quotidienne, les détenus étaient parvenus à s’organiser, afin de résister à l’atteinte à leur dignité et à leur intégrité physique. Ils tenaient pour cela à leur bien le plus précieux face à la «broyeuse» pénitentiaire coloniale : leur unité. Ils ont commencé par avancer les plus petites revendications, puis une fois celles-ci obtenues, ils les utilisaient comme points d’appui pour d’autres revendications, et ainsi de suite. Ces revendications étaient ponctuées occasionnellement de grèves de la faim. Le sort commun des prisonniers engendra également entre eux fraternité et solidarité. A titre d’exemple, les achats à la cantine de la prison, ainsi que les rares mandats et colis qui parvenaient à certains codétenus étaient partagés équitablement entre tous les prisonniers. Ils se prodiguaient aussi, le plus souvent, sans cahiers et sans livres, des cours de français, de droit, de mathématiques, d’histoire, etc.

A ces luttes, les prisonniers de droit commun et les gardiens algériens de souche apportaient une aide précieuse. Certains adhérèrent aux réseaux de la résistance de la prison, d’autres parmi ces gardiens désertèrent vers les maquis. Les événements politiques majeurs à l’extérieur jalonnant la guerre d’Algérie n’étaient pas sans effets sur l’état d’esprit des gardiens, et donc sur leurs conditions de prisonniers. Ainsi, le complot, fomenté en sous-main par le général de Gaulle, le 13 mai 1958, qui lui avait permis de revenir au pouvoir, grâce à une alliance entre la grande majorité des gaullistes et «...  tout ce que la France contient de fascistes, d’ex-collabos, de pétainistes, et d’anciens des guerres coloniales» ; le coup d’Etat militaire fasciste avorté du 21 avril 1961 d’un «quarteron de généraux» factieux, qui projetaient de débarquer sur Paris et y renverser le gouvernement de la République ; ou bien le terrorisme de la terre brûlée et du bain de sang de la fasciste OAS (Organisation de l’armée secrète), pour s’opposer à l’indépendance de l’Algérie et aux négociations pour l’indépendance dans la ville d’Evian. Mais l’histoire…


Boualem Makouf, «Trains de nuit : une captivité à l’ombre des Aurès». Préface de Mohammed Harbi. Ed. Bouchene, Saint-Denis, 2011.
 

Hakim Arabdiou
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