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Hakim Arabdiou
12 septembre 2008

Il est nécessaire de combattre tout à la fois le communautarisme, le colonialisme et le racisme

Il est nécessaire de combattre tout à la fois le communautarisme, le colonialisme et le racisme

Par Hakim Arabdiou

Vendredi 25 avril 2008

Le film et le documentaire sur le passé trouble de l’ancien président, François Mitterrand, à Vichy, ainsi que les débats qui ont suivi, m’ont fait rappeler la première chose qui m’avait fait sursauter en lisant l’ouvrage Contre le communautarisme de Julien Landfried : le regret de celui-ci que l’État français ait demandé pardon à nos compatriotes juifs pour sa collusion dans l’extermination d’un grand nombre d’entre eux, durant cette période sombre de l’histoire de France.


J’ai été aussi surpris par les arguments surréalistes (p. 18 et suivantes) qu’il a avancé à cet effet. L’auteur tente de faire passer des vessies pour des lanternes à nos compatriotes qui ont failli être éradiqués de France et d’Europe, si avait été retardée encore d’une année et demie seulement, la contre-offensive d’abord et avant tout de l’armée rouge qui avait anéanti l’essentiel de l’armée allemande, dont les deux-tiers de ces forces et ses principales troupes d’élite étaient massées sur le front soviétique.

Ainsi, les Juifs de notre pays ont-ils eu tort d’avoir réclamé, puis d’avoir accepté la reconnaissance, pourtant minimale, par la nation de leur immense souffrance et du fait que leur propre État les ait livrés, pour destruction, à l’ennemi nazi. L’auteur usera d’autres spécieux pour prétendre que cette reconnaissance fut une grave erreur.
Cet auteur me fait rappeler, ici, certains républicains de gauche qui réagissent mal, et bien à tort, quand on demande que la France reconnaisse ses crimes coloniaux monstrueux. Ces républicains sont victimes de leur propre confusion entre République et colonialisme, comme d’autres confondent république et pétainisme, république et "islamophobie", etc.
Ils ont sur ces points le même mécanisme mental que les Indigènes de la République ou ceux qui avaient violemment réagi contre la publication, par un journal danois, des caricatures de Mohammed, le prophète des musulmans. Ceux-ci disent : "Non, il ne s’agit pas de liberté d’expression, mais ces caricatures visent en réalité à s’en prendre à l’islam et/ou aux musulmans". Ceux-là disent : "Non, ce n’est pas le colonialisme que vous visez, mais vous avez en fait la haine de la République". Il n’y a qu’à voir aussi leur silence coupable à propos de la loi du 23 février 2005 sur les « bienfaits de la colonisation », colonisation, qui, comme le régime fantoche de Pétain, a été une autre trahison des idéaux de la République.
D’autres républicains, qui sont aussi d’authentiques anticolonialistes, pourraient exprimer sincèrement leurs craintes que cette dernière reconnaissance (mais pas la première) pourrait entraîner la haine entre les peuples et les communautés, et que de toutes les façons tous les peuples ont été soit esclavagistes soit colonisateurs, dont les Arabes, les Ottomans… Pourtant, la demande de pardon du gouvernement des États-Unis d’Amérique à sa population noire ou celle plus récente du gouvernement australien aux Aborigènes n’ont ouvert la voie à aucune discorde, bien au contraire. C’est de manière solennelle et dans la communion de la grande majorité de leurs populations respectives que ces pardons avaient été prononcés.
De plus, si l’on suit leur logique jusqu’au bout, la communauté internationale devrait par exemple condamner le procès de Nuremberg et verser des dommages et intérêts aux descendants des vingt-quatre dignitaires nazis, Goring, Hess, Keitel, Ribbentrop, Rosenberg… pour avoir été jugés et condamnés par des États tels que les États-Unis d’Amérique qui se sont érigés sur la destruction de la population de tout un continent, la France et la Grande-Bretagne dans leurs colonies et l’URSS avec ses camps d’esclavage et de la mort qu’étaient les goulags.
Les républicains que j’ai cités plus hauts partagent également le même antiracisme non universaliste que les islamistes et leur marche-pieds au sein de la gauche. Les seconds ne réagissent que quand ce sont les musulmans qui sont les victimes de racisme. Aussi, jamais (ou presque) vous ne les entendrez condamner le racisme dont est victime un jeune Français de la part des parents musulmans de sa dulcinée, et qui refusent de lui accorder la main de celle-ci, parce qu’il est chrétien ou pire encore, parce qu’il est juif. Y compris quand ces parents marient leur fille de force au bled ou même l’assassinent pour l’empêcher de vivre sa vie. Quant aux premiers, ils ne réagissent que lorsqu’il s’agit d’actes antisémites, jamais lorsqu’il s’agit de musulmanophobie ou de négrophobie. Ils n’évoquent d’ailleurs la population musulmane ou de cette origine que pour la stigmatiser davantage, jamais quand, comme c’est souvent le cas, quand ces immigrés sont victimes de racisme.
Leur attitude, cette conception étriquée du républicanisme, les place, en recul par rapport à certains courants de la droite, et ne peut que faire le jeu des racistes, des communautaristes et des fondamentalistes.

Je voudrais achever ce texte en disant encore deux ou trois mots à propos de l’ouvrage Contre le communautarisme de Julien Landfriend. Ce dernier apporte par ailleurs des réponses intéressantes à nombre de questions qui font débat au sein de la gauche et des laïques. Mais il ne comporte pas moins un grand nombre d’arguments qui suscitent mes réserves. Je me dois aussi de signaler la position, pour le moins tendancieuse, où l’auteur classe, comme « communautaire » (note p. 151), la revue Prochoix, pourtant à l’avant-garde du combat contre le communautarisme, ainsi que les fondamentalismes pour le féminisme et la laïcité. C’est ainsi qu’il classe cette revue parmi des associations telles que Lmistes (de Pierre Tévanian), oumma.com, le CapDiv, le CRAN, etc.

par Hakim Arabdiou

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